Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/408

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pelait la Latinité, qui fit les croisades, la chevalerie, la scolastique, toutes les grandes choses du moyen âge. De même que chaque monarchie portait déjà dans ses flancs une démocratie qui devait s’en échapper un jour, ainsi l’empire ne tomba que pour laisser sortir de ses ruines ce qu’on appela la république chrétienne ; et si l’unité politique périt, l’unité spirituelle fut constituée. Rien ne justifie d’une manière plus éclatante la persévérance de l’esprit humain. Tant de nations, tant de politiques, tant de philosophes, ne se sont pas trompés ; et s’il est vrai que l’esprit humain cherche l’unité, il faut qu’il la trouve. Mais il la trouve d’une manière différente, selon la différence des temps. L’antiquité voulait l’unité matérielle, visible, politique ; et elle l’obtint jusqu’à un certain point dans l’empire romain, où tout devint justiciable du même glaive et tributaire du même fisc : mais on n’y pensa jamais à l’unité religieuse, et chaque province y garda ses dieux. Ce fut la gloire du moyen âge de retourner pour ainsi dire l’ordre du monde, de mettre l’unité dans les consciences, la variété dans les institutions ; de vouloir qu’un seul Dieu, une seule religion, une seule morale, prissent possession des âmes, pendant que des pouvoirs différents prenaient possession du territoire. En établissant ainsi l’unité dans l’invisible, il la plaçait en un lieu que les révolutions n’atteignent pas, où les invasions de barbares ne peuvent rien.