Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/421

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jour le royaume de la terre. Il choisissait les doux et les humbles, ceux qui ne portaient point d’armes, pour leur donner le premier rang dans la société chrétienne. Ne dites plus que le peuple est absent des cours plénières de Charlemagne:il ne faut que le reconnaître sous les manteaux d'évêques et d'abbés, sous lesquels ces fils de serfs siégent à côté des ducs et des comtes. Ils y gardent la place que le tiers état viendra prendre dans cinq cents ans[1].

Sans doute l’attente sera longue ; et l’on peut accuser le christianisme, déjà si lent à créer les pouvoirs, de s’être. encore moins pressé quand il s’agissait de fonder les libertés. C’est qu’en effet le

  1. Vita S. Marculfi, apud MabiUon, A SS. 0. S. B, I, p. 130. Jonas Aurélianensis de Institutione laicali, II, 23, apud d’Achery, Spicilegium, I, 297 : « Miserabilis plane et valde deflenda res est. quando pro feris quas cura hominum non aluit, sed Deus in commune mortalibus ad utendum concessit, paupercs a potentioribus spoliantur, flagellantur, ergastulis detruduntur et multa alia patiutur.Hi namque plus delectantur latratibus canum quam melodiis intéresse hymnorum coelestium ». Smaragdi,Via regia, cap. XXX Ne captivitas fiat:« Prohibe ergo, clementissime rex, ne in regno tuo captivitas fiat:ut juste et recte erga servos agatur, et liberi dimittantur, Isaias clamat. Propter nimiam charitatem unusquisque liberos debet dimittere servos, considerans quia non illos natura subegit, sed culpa conditione enim aequaliter creati sumus, sed aliis culpa subacti. Simul et considerate quia si dimiseritis dimittetur vobis. Nam et vos, domine, conditionale opprimit jugum. » M. Guerard (Polyptique,prolégomènes) donne de nombreux exemples d’affranchissements par l'Eglise, et montre avec une extrême sagacité comment l’esclave devient colon, le colon propriétaire, le propriétaire bourgeois de commune, d’où il passera aux états de la province, et plus tard à ceux du royaume.