Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/54

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filles, de la plus pure noblesse des deux royaumes : chacune de ces dix sera, comme elle, suivie de mille compagnes. Alors elle fait équiper onze galères, et chaque jour elle exerce sa jeune troupe à déployer les voiles, à soulever les rames. Les courses de la flotte virginale charment la multitude rassemblée sur le rivage : ce sont les derniers jeux de ces filles de navigateurs. Un soir, le vent du nord s’élève ; les onze galères fuient sur l’Océan, arrivent aux bouches du Rhin, et le remontent jusqu’à Baie. Là, averties par un ange, les voyageuses prennent terre, et passent les Alpes pour accomplir le pèlerinage de Rome. Elles revenaient joyeuses et redescendaient le Rhin sur leurs navires ; déjà elles reconnaissaient des clochers de Cologne quand elles aperçurent les tentes des Huns campés autour de la ville. Enveloppées de toutes parts, brebis parmi les loups, entre le déshonneur et la mort, elles moururent jusqu’à la dernière. Ursule, menée aux pieds d’Attila, refusa de partager son trône et, percée d’un trait, la reine de cette blanche armée rejoignit ses compagnes dans le ciel. Voilà le poétique récit du moyen âge. Ces légions de vierges entourées par les païens, et tombant sous les flèches, n’étaient-elles pas l’image des jeunes chrétientés de Germanie étouffées dans leur fleur par l’invasion [1] ?

  1. J’ai suivi l’une des plus anciennes versions de la légende, celle de Sigebert de Gembloux (Chronic. ad ann. 453). On la trou-