Page:Péguy - Les Mystères de Jeanne d’Arc, volume 3.djvu/234

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le mystère

Et leurs mères qui criaient comme des folles et qui

mordaient les soldats au poignet. Comme dans une

bataille, après la bataille Les rôdeurs, les voleurs viennent dépouiller les blessés

et les morts et les mourants et emporter et dérober

tout ce qui compte. Tout ce qui vaut quelque chose, nouveaux rôdeurs,

nouveaux voleurs ces innocents Dans cette bataille après cette bataille se sont dépouil- lés eux-mêmes Et dans le fracas des armes, dans le tumulte et dans

les cris. Dans la galopade affolée, dans la poursuite effrénée,

dans les femmes par terre ils ont ramassé tout ce qui

compte. Ils ont dérobé tout ce qui vaut quelque chose car ils ont

fait main basse Comme des détrousseurs de cadavres et ils se sont

détroussés eux-mêmes et ce qu'ils ont ramassé dans

la bagarre ce n'est pas moins Que le royaume des cieux et la vie éternelle. Hi emptî

sunt ex hominibus. Eux seuls, Qui seuls peut-être sur terre non seulement n'avaient

jamais chanté les louanges de Dieu, Mais n'avaient jamais prononcé même mon nom ni le

nom de mon fils, Eux seuls aussi ne portent point aux commissures des

lèvres l'ineffaçable pli, Ce pli de l'infortune et de l'ingratitude Et d'une amertume qui ne sera jamais rassasiée. Or si

nous avons fait d'eux ce que vous voyez, dit Dieu,

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