Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/10

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l’âge viril, j’ai publié partout par d’éclatants témoignages, tant que le monde ne m’a pas envié mon loisir. Car j’ai passé là plusieurs années interrompues par des affaires et des difficultés qui m’ont souvent distrait. Toutefois j’y ai goûté une paix si profonde et un tel charme que depuis que j’ai connu ce que c’était que la vie des hommes, je n’ai guère vécu que là ; tout le reste du temps a été pour moi un supplice.

Déjà indivisibles de cœur, nous étions séparés par nos goûts. Vous ambitionniez les procès et le barreau ; moi, le repos et les bois. Vous avez recherché dans le chemin de la politique des richesses honnêtes, qui, chose étrange, m’ont poursuivi jusqu’à faire envie, moi, solitaire, dédaigneux d’elles, et réfugié au fond des bois. Mais pourquoi vous retracer maintenant ce silence des champs, ce murmure continuel du fleuve le plus limpide, ce mugissement des bœufs dans les vallées sonores, ces concerts non seulement diurnes mais nocturnes des oiseaux sous la ramée ? Vous connaissez tout cela, et si vous n’avez pas osé me suivre entièrement dans ces parages, chaque fois que vous pouviez, ce qui était rare, vous dérober au fracas des villes, vous aviez coutume de vous réfugier là avec em-