Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/101

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maintenant encore les choses de la terre, moi qui depuis longtemps aurais dû apprendre des philosophes mêmes des gentils qu’il n’y a d’admirable que l’âme pour qui, lorsqu’elle est grande, rien n’est grand[1]. Alors, trouvant que j’avais assez vu la montagne, je détournai sur moi-même mes regards intérieurs, et dès ce moment on ne m’entendit plus parler jusqu’à ce que nous fussions parvenus en bas.

Cette parole m’avait fourni assez d’occupation muette. Je ne pouvais penser qu’elle fût l’œuvre du hasard ; tout ce que je venais de lire, je le croyais dit pour moi et non pour un autre. Il me souvenait que jadis Augustin avait fait la même supposition, lorsque, lisant le livre de l’Apôtre, ce passage, comme il le raconte[2], lui frappa d’abord les yeux : Marchons loin de la débauche et de l’ivrognerie, des sales plaisirs et des impudicités, des dissensions et des jalousies. Mais revêtez-vous de Jésus-Christ Notre-Seigneur, et n’ayez point d’égard pour votre chair en ce qui regarde ses convoitises[3]. Même chose était arrivée auparavant

  1. Sénèque, Lettres, VIII.
  2. Confessions, VIII, 12.
  3. S. Paul, aux Romains, xiii, 13.