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à Antoine, lorsqu’ayant entendu l’Évangile où il est écrit : Si vous voulez être parfait, allez vendre ce que vous avez et donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel ; après cela venez et suivez-moi[1], il prit pour lui ces paroles, suivant l’historien de sa vie Athanase, et se soumit au joug du Seigneur. De même qu’Antoine après cette audition n’en demanda pas davantage et de même qu’Augustin, après cette lecture, n’alla pas plus loin, toute ma lecture se borna au peu de mots que je viens de citer. Je réfléchis en silence à l’aveuglement des mortels qui, négligeant la plus noble partie d’eux-mêmes, se répandent de tous côtés et se dissipent en vains spectacles, cherchant au dehors ce qu’ils pourraient trouver en eux. J’admirai la noblesse de notre âme si, dégénérant volontairement, elle ne s’écartait pas de son origine et ne convertissait pas elle-même en opprobre ce que Dieu lui avait donné pour s’en faire honneur. Ce jour-là, en revenant, chaque fois que je me retournais pour regarder la cime de la montagne, elle me parut à peine haute d’une coudée en comparaison de la hauteur de la contemplation humaine, si on ne la

  1. S. Mathieu, xix, 21.