Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et plonge les Maures dans une nuit hâtive. Me tournant ensuite du côté de l’Ourse et de Borée, vers des peuples parlant des langues différentes, je vais seul là où l’onde agitée de la mer de Bretagne bat par son flux et reflux des terres douteuses où le sol glacé ne sent point l’effet salutaire de la charrue et écarte des coteaux Bacchus et Cérès ; terre que recouvrent à peine de stériles bruyères. Que me restait-il à faire, sinon de m’enfoncer dans les déserts affreux brûlés par le soleil, de visiter les repaires des serpents, de voir de loin sous le milieu de la voûte céleste les Éthiopiens mettant à nu leurs épaules noircies par le Lion ardent, ou de découvrir dans quel coin ténébreux de la terre la nature a caché la source inconnue du Nil cherchée depuis tant de siècles ? La douleur, la colère et la crainte, ces flots de mon âme, commencèrent à se calmer par l’absence ; bientôt un sommeil tranquille ferma mes yeux humides et de rares sourires illuminèrent mon front qui n’y était plus fait. Déjà l’image de l’abandonnée s’offrait à mon imagination moins fréquente et moins impérieuse. Hélas ! que vais-je dire ? Mais vous m’y forcez. Je croyais pouvoir mépriser impunément les coups terribles et les aiguillons d’un fol amour. Une légère cica-