Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/63

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pays étrangers. Abandonnant mes travaux et Vaucluse, je ramenai après plusieurs siècles mes compagnes étonnées dans le Latium et à Rome sur les hauteurs du Capitole. Il y a six ans de cela. Bref, nous revenons par la mer tant de fois traversée et retraversée et par les Alpes trop connues. Le temps, si avare dans son cours insensible, dévaste tout. En revoyant mes champs silencieux et mes grottes sombres, je fus surpris de l’aspect des lieux. Nulle trace de mes travaux ; l’ennemi avait tout foulé aux pieds ; ma digue gisait dispersée çà et là, et servait de retraite aux poissons qui errent dans les eaux. J’affronte de nouveau les périls d’une guerre douteuse. Le dépit me fournissait des armes, la vengeance doublait mes forces. Les laboureurs robustes se rassemblent ; la cohorte des, bergers est levée à peu de frais ; le pêcheur tout mouillé, aux vêtements relevés, posant son hameçon, combat pour moi. Nous roulons d’énormes pierres, nous fouillons dans les entrailles de la mère qui produit tout, nous arrachons peu à peu ses ossements arides et nous diminuons la montagne avec le fer recourbé. Nous chassons ainsi de toute la contrée les nymphes vaincues, et nous élevons sur la rive du fleuve un palais durable aux Muses sacrées.