Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/90

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Mais en songeant au choix d’un compagnon, chose singulière, pas un de mes amis ne parut me convenir en tout point. Tant est rare même entre amis le parfait accord des volontés et des caractères. L’un était trop nonchalant, l’autre trop remuant ; celui-ci trop mou, celui-là trop vif ; tel trop triste, tel trop gai. Enfin, celui-ci était plus fou, celui-là plus sage que je ne voulais. L’un m’effrayait par son silence, l’autre par son effronterie ; celui-ci par sa pesanteur et son embonpoint, celui-là par sa maigreur et sa faiblesse. La froide insouciance de l’un et l’ardente curiosité de l’autre m’éloignaient. Quelque fâcheux que soient ces inconvénients, on les supporte à la maison, car la charité endure tout et l’amitié ne recule devant aucun fardeau, mais en voyage ils deviennent plus fâcheux. Ainsi mon esprit difficile et avide d’un plaisir honnête épluchait chaque chose sans porter atteinte à l’amitié et condamnait tout bas tout ce qu’il prévoyait pouvoir nuire au voyage projeté. Bref, à la fin, je me tourne vers une assistance domestique et je fais part de mon dessein à mon frère unique, moins âgé que moi et que vous connaissez bien. Il ne pouvait rien entendre de plus agréable et il se réjouit d’être pour moi un ami en même temps qu’un frère.