Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mollesse d’un sentiment peu viril, quoique je ne manquasse pas d’une double excuse sous l’égide de témoignages imposants.

Ensuite une nouvelle pensée s’empara de mon esprit et le transporta des lieux vers les temps. Je me disais à moi-même : « Il y a aujourd’hui dix ans que, libéré des études de ta jeunesse, tu as quitté Bologne. Mais ô Dieu immortel ! ô sagesse immuable ! que de grands changements cet intervalle a vu s’opérer en toi ! Je laisse de côté ce qui n’est pas fini, car je ne suis pas encore dans le port pour songer tranquillement aux orages passés. Il viendra peut-être un temps où je relaterai dans leur ordre tous les événements de ma vie en prenant pour texte cette parole de votre Augustin : Je veux me remémorer mes souillures passées et les corruptions charnelles de mon âme, non que je les aime, mais pour que je vous aime, mon Dieu[1]. Il me reste encore à accomplir une tâche très difficile et très pénible. Ce que j’avais coutume d’aimer, je ne l’aime plus[2]. Je mens. Je l’aime, mais

  1. Confessions. Pétrarque songe déjà, à écrire lui aussi ses Confessions. Il réalisa plus tard ce projet dans le livre intitulé : Mon secret.
  2. Est-il besoin de rappeler qu’il s’agit de Laure ?