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fallut, pour qu’il s’en séparât, que la faiblesse de sa vue ne lui permît plus de s’en servir. Alors il en fit cadeau à l’un de ses meilleurs amis. « Je vous donne volontiers, lui écrit-il, le livre que vous me demandez, et je vous le donnerais plus volontiers s’il était tel que me l’a donné dons ma jeunesse ce Dionigio de votre ordre[1], excellent professeur de lettres sacrées, homme distingué sous tous les rapports et mon père très indulgent. Mais alors inconstant par l’âge et peut-être par le caractère, comme ce livre me plaisait infiniment à cause du sujet et de l’auteur, et que sa petitesse le rendait portatif, je l’ai colporté souvent dans presque toute l’Italie, en France et en Allemagne, au point que ma main et le livre semblaient pour ainsi dire ne faire qu’un, tant par un usage continuel ils étaient devenus inséparables. Je vais vous dire une chose qui vous étonnera. Sans parler des chutes qu’il a faites dans les fleuves et sur la terre, une fois à Nice il fut englouti avec moi sous les flots de la mer, et c’en était fait indubitablement si le Christ ne nous eût arrachés tous deux à ce pressant danger. Dans ces allées et venues il a vieilli avec moi, de sorte que déjà vieux il ne peut plus être lu par un vieillard sans beaucoup de peine. Sorti de la maison d’Augustin, il y retourne enfin maintenant, sans doute pour voyager aussi avec vous. Acceptez-le tel qu’il est et faites-lui bon accueil[2]. »

Ce livre est malheureusement perdu. Le pieux restaurateur de la bibliothèque de

  1. Le P. Dionigio Roberti, augustin.
  2. Lettres de vieillesse, XV, 7 (au P. Luigi Marsigli, augustin).