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qu’au milieu des agitations de l’âme, un chant si harmonieux sortît de la bouche d’un insensé, et je me demandais quel amour empêchait que les Muses, offensées de tant de troubles et d’une si grande aliénation d’esprit de leur hôte, ne s’enfuissent de leur demeure habituelle. Car cette parole de Platon : Celui qui se possède frappe en vain aux portes de la poésie, et ce mot de son successeur Aristote : Il n’y a point de grand génie sans un mélange de folie[1], se rapportent à autre chose et ne concernent point ces insanités ; mais je reviendrai là-dessus une autre fois.

Pétrarque. J’avoue que cela est vrai ; mais je ne croyais pas avoir fait des vers harmonieux et dignes de vous plaire ; je commence maintenant à les aimer. Si vous avez un autre remède, de grâce, ne le refusez pas à qui en a besoin.

S. Augustin. Étaler tout ce que l’on sait est le fait d’un vantard plutôt que d’un ami qui conseille. Tant de sortes de remèdes internes et externes n’ont pas été inventés pour être essayés tous dans une maladie quelconque, mais afin que, l’un ne réussissant pas, on recourût à un autre. Car comme Sénèque l’a dit à Lucillus : Rien n’est plus contraire à la guérison que le changement fréquent de remèdes ; une plaie ne se cicatrise pas quand l’appareil est sans cesse renouvelé[2]. Ainsi donc, quoique les re-

  1. Sénèque, De la Tranquillité de l’âme, XV.
  2. Lettres, II.