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dans ma propre cause, cela est si vrai que je me suis souvent indigné de ne convenir ni à mon sexe ni à mon siècle, où, comme vous voyez, tout appartient aux impudents : les honneurs, les espérances et les richesses, devant lesquelles s’effacent le mérite et la fortune (sic).

S. Augustin. Ne vois-tu donc pas quel antagonisme il y a entre l’amour et la pudeur ? Tandis que l’un pousse l’âme, l’autre la retient ; l’un enfonce l’aiguillon, l’autre serre la bride ; l’un ne fait attention à rien, l’autre examine tout soigneusement.

Pétrarque. Je le vois bien, et c’est avec une vive douleur que je suis tiraillé par des sentiments si divers. Ils m’assaillent tour à tour avec tant de violence que, dans le trouble de mon esprit ballotté tantôt ici, tantôt là, je ne sais à quelle impulsion obéir.

S. Augustin. Fais-moi le plaisir de me dire si tu t’es regardé dernièrement dans un miroir.

Pétrarque. Pourquoi cette question, je vous prie ? J’ai fait comme d’habitude.

S. Augustin. Dieu veuille que tu ne le fasses ni plus souvent ni plus complaisamment qu’il ne faut ! Eh bien, je te le demande, n’as-tu pas remarqué que ton visage changeait de jour en jour, et que des cheveux blancs brillaient par intervalles autour de tes tempes ?

Pétrarque. Je croyais que vous alliez me dire quelque chose d’extraordinaire ; mais grandir, vieillir et mourir est le sort