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d’exemples, plût à Dieu que tu en eusses autant qui rappelassent la pensée de la mort ! Car je n’approuve point ces exemples qui enseignent à dissimuler les cheveux blancs, témoins de la vieillesse qui approche et avant-coureurs de la mort. Que conseillent-ils, en effet, sinon de ne pas se mettre en peine de la fuite du temps et d’oublier la dernière heure, que tout notre entretien a pour but de te rappeler sans cesse ? Lorsque je te recommande de songer à ta canitie, tu me cites une foule d’hommes illustres dont la tête a blanchi. Qu’est-ce que cela prouve ? Ah ! si tu me disais qu’ils ont été immortels, tu pourrais, à leur exemple, ne pas craindre la canitie. Si je t’avais objecté la calvitie, tu m’aurais apparemment cité Jules César.

Pétrarque. Sans contredit, car en est-il de plus illustre ? Or, si je ne me trompe, c’est une grande consolation d’être entouré de compagnons aussi célèbres. Oui, je l’avoue, je ne rejette point de tels exemples qui sont pour moi un bagage d’un usage quotidien : car il m’est doux, non seulement dans les maux que la nature ou le hasard m’a départis, mais encore dans ceux qu’ils pourraient me départir, il m’est doux d’avoir sous la main un sujet de consolation, ce que je ne puis obtenir que par une raison puissante ou un exemple éclatant. Si donc vous me reprochiez d’avoir peur du tonnerre, comme je ne puis le nier (et l’une des causes principales qui me font aimer le laurier, c’est que cet arbre, dit-on,