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rachetez par des vertus ce qui manque à votre corps. Vous êtes jeune, sachez que la fleur de l’âge est le temps des études et des actions viriles ; vieux, laissez de côté ce qui messied aux cheveux blancs et songez à la mort[1].

Pétrarque. Je m’en suis toujours souvenu depuis que je l’ai lu pour la première fois, car la chose en vaut la peine et le conseil est judicieux.

S. Augustin. À quoi t’a-t-il servi de l’avoir lu ou de t’en être souvenu ? Il eût été plus excusable de te couvrir du bouclier de l’ignorance. Ne rougis-tu pas, sachant cela, de voir que tes cheveux blancs n’ont produit en toi aucun changement ?

Pétrarque. J’en rougis, je le regrette et je m’en repens, mais je ne puis rien de plus. D’ailleurs, vous savez combien il m’est consolant de penser qu’elle[2] vieillit avec moi.

S. Augustin. Le mot de Julie, fille de César Auguste, t’est sans doute resté dans la mémoire ? Son père, la blâmant de ne pas s’entourer de personnes d’un âge mûr, comme faisait Livie, elle éluda la remontrance paternelle par cette réponse pleine d’esprit : Elles vieilliront avec moi[3]. Mais, je te le demande, crois-tu qu’il soit plus convenable, à ton âge, de l’idolâtrer vieille que de l’aimer jeune ? Au contraire, c’est d’autant plus inconvenant que la raison d’aimer est moindre. Rougis donc, rougis

  1. Sénèque, Questions naturelles, I, 17.
  2. Laure.
  3. Macrobe, Saturnales, II, 5.