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Pétrarque. Ma manière de voir n’est pas sans quelque raison. J’ai pour principe que la gloire, qu’il est permis d’espérer ici-bas, doit être recherchée tant que l’on demeure ici-bas, et que l’on jouira d’une gloire plus éclatante dans le ciel, où, une fois parvenu, on ne voudra pas même songer à celle de la terre. Par conséquent, il est dans l’ordre que les mortels s’occupent d’abord des choses mortelles, et qu’au transitoire succède l’éternel, parce que du premier au second la marche est très régulière ; tandis que du second au premier il n’y a pas de retour.

S. Augustin. Homme de peu de sens, t’imagines-tu donc jouir de toutes les voluptés du ciel et de la terre, et que des deux côtés tout ira à souhait au gré de ton caprice ? Cet espoir a abusé des milliers d’hommes et a plongé dans l’enfer une foule innombrable d’âmes. Pensant poser un pied sur la terre et l’autre dans le ciel, ils n’ont pu ni se tenir debout ici-bas, ni monter là-haut : aussi sont-ils tombés misérablement, et ils ont perdu la vie soit à la fleur de l’âge, soit au milieu de leurs préparatifs. Ne songes-tu pas que ce qui est arrivé à tant d’autres peut t’arriver aussi ? Hélas ! si, en nourrissant mille projets, tu venais par hasard (Dieu t’en garde !) à succomber, quelle douleur, quelle honte, quel repentir tardif d’avoir tout embrassé pour échouer en tout !

Pétrarque. Que le Très-Haut, dans sa miséricorde, me préserve d’un pareil sort !

S. Augustin. Bien que la miséricorde di-