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mériter d’entendre cette parole du poète : Courage, héroïque enfant, c’est ainsi que l’on arrive aux cieux[1].

Pétrarque. Plût à Dieu que je l’entendisse avant de mourir ! Mais continuez, je vous prie, car je n’ai point perdu toute honte, et je ne doute pas que les maximes des stoïciens ne soient préférables aux préjugés de la multitude. De quoi voulez-vous me convaincre ensuite ? J’attends.

S. Augustin. Puisque nous sommes d’accord sur cette vérité : qu’on ne peut être ni devenir malheureux que par le vice, qu’est-il besoin de discuter ?

Pétrarque. C’est que je crois avoir vu beaucoup de gens, et je suis du nombre, pour lesquels rien n’est plus pénible que de ne pouvoir secouer le joug des vices, quoi qu’ils fassent pour cela, pendant toute leur vie, les plus grands efforts. Ainsi donc, sans porter atteinte à la maxime des stoïciens, on peut admettre que beaucoup de gens sont très malheureux malgré eux, à leur grand regret et tout on souhaitant le contraire.

S. Augustin. Nous nous sommes un peu écartés de la question, mais nous revenons graduellement à notre début, à moins que tu n’aies oublié notre point de départ.

Pétrarque. Je l’avais oublié, mais je commence à me le rappeler.

S. Augustin. Je m’étais proposé de te montrer que, pour échapper aux tribula-

  1. Virgile, Énéide, IX, 641.