Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/40

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termes à employer, je veux qu’au lieu de dire que tu ne peux rien de plus, tu dises que tu ne veux rien de plus.

Pétrarque. Nous ne finirons jamais, car jamais je ne dirai cela. Je sais très bien, et vous m’êtes témoin vous-même, que mille fois j’ai voulu et je n’ai pas pu, et que j’ai versé des torrents de larmes qui n’ont servi à rien.

S. Augustin. J’ai été témoin de l’abondance de tes larmes, mais pas du tout de ta volonté.

Pétrarque. J’en atteste le ciel, personne au monde ne sait ce que j’ai souffert et combien j’aurais voulu me relever, si cela m’eût été permis.

S. Augustin. Tais-toi, le ciel et la terre se confondront, les astres tomberont dans les enfers, et les éléments, maintenant amis, se combattront, avant que la Vérité, qui juge entre nous, puisse se tromper.

Pétrarque. Que dites-vous donc ?

S. Augustin. Que tes larmes ont souvent bourrelé ta conscience, mais qu’elles n’ont point changé ta volonté.

Pétrarque. Que de fois vous ai-je dit que je n’ai rien pu au delà !

S. Augustin. Que de fois t’ai-je répondu qu’il était plus vrai que tu n’as pas voulu ! D’ailleurs, je ne m’étonne point que tu sois maintenant en proie aux perplexités qui m’ont agité moi-même quand je méditais de suivre un nouveau genre de vie. Je m’arrachai les cheveux, je me frappai le front, je me tordis les doigts, et, me prenant les