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gile : Son âme demeure inébranlable, des larmes vaines s’échappent de ses yeux[1]. Bien que j’eusse pu multiplier les exemples, je me suis contenté d’un seul me concernant.

Pétrarque. Vous avez bien fait, car plusieurs exemples n’étaient pas nécessaires, et aucun autre ne se serait gravé plus profondément dans mon cœur, d’autant plus que, malgré la différence énorme qui existe entre le naufragé et celui qui se repose tranquillement au port, entre l’heureux et le malheureux, je ne laisse pas de reconnaître au milieu de mes orages une trace telle quelle de votre irrésolution. De là vient que chaque fois que je lis vos Confessions, partagé entre deux sentiments contraires, l’espérance et la crainte, et versant parfois des larmes de joie, je crois lire non l’histoire d’un autre, mais celle de ma propre pérégrination. Mais dorénavant, puisque j’ai renoncé à tout désir de dispute, continuez comme il vous plaira, car je suis résolu à vous suivre et non à vous faire obstacle.

S. Augustin. Je ne demande pas cela. Car, si un très docte personnage a dit qu’à force de disputer la vérité se perd[2], une discussion modérée a conduit souvent à la vérité. Il ne faut donc pas tout accepter indistinctement à la façon des esprits paresseux et mous ; il ne faut pas non plus lutter avec passion contre une vérité manifeste,

  1. Énéide, IV, 449.
  2. Publilius Syrus.