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Pétrarque. Ainsi donc je ne songe point à la mort ?

S. Augustin. Très rarement, il est vrai, et si faiblement, que ta pensée ne pénètre pas au fond de ta misère.

Pétrarque. J’avais cru le contraire.

S. Augustin. Je ne m’occupe pas de ce que tu as cru, mais de ce que tu aurais dû croire.

Pétrarque. Sachez que désormais je ne me croirai plus, si vous me montrez que j’ai cru cela faussement.

S. Augustin. Je te le montrerai très aisément, pourvu que tu sois disposé à avouer de bonne foi la vérité. J’invoquerai même pour cela un témoin qui n’est pas éloigné.

Pétrarque. Lequel, je vous prie ?

S. Augustin. Ta conscience.

Pétrarque. Elle dit le contraire.

S. Augustin. Quand on pose une demande confuse, le témoignage de celui qui répond ne peut pas être précis.

Pétrarque. Quel rapport cela a-t-il avec le sujet ?

S. Augustin. Beaucoup de rapport. Pour le voir clairement, écoute bien. Il n’est personne assez insensé, à moins de l’être tout à fait, qui ne songe quelquefois à sa propre fragilité, et qui, si on l’interroge, ne réponde qu’il est mortel et qu’il habite un corps caduc, car les douleurs physiques et les accès des fièvres l’attestent et la faveur divine en a-t-elle jamais exempté personne ? En outre, les funérailles de vos amis, qui défilent fréquemment devant vos yeux, vous