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plus d’enfant qui, si on l’interroge, ne réponde que l’homme est un animal raisonnable et mortel. Donc, cette définition est connue de tout le monde.

S. Augustin. Non, d’un très petit nombre.

Pétrarque. Comment cela ?

S. Augustin. Quand tu verras quelqu’un si dominé par la raison qu’il règle sa conduite d’après elle, qu’il soumette à elle seule ses appétits, qu’il maîtrise par son frein les mouvements de son âme, qu’il sache que c’est par elle seulement qu’il se distingue de la sauvagerie de la brute, et qu’il ne mérite le nom d’homme qu’autant qu’il se laisse guider par la raison ; quelqu’un si convaincu de sa mortalité, qu’il l’ait tous les jours devant les yeux, qu’il se gouverne par elle et que, méprisant les choses périssables, il soupire après cette vie où, toujours pourvu de raison, il cessera d’être mortel, dis alors qu’il a une idée vraie et utile de la définition de l’homme. Cette définition dont nous parlions, je disais qu’il est donné à peu de gens de la connaître et de la méditer convenablement.

Pétrarque. J’ai cru, jusqu’à présent, être du nombre.

S. Augustin. Je ne doute pas qu’en repassant dans ta tête tant de choses apprises soit à l’école de l’expérience, soit par la lecture des livres, la pensée de la mort te soit venue plusieurs fois ; mais cette pensée n’est point descendue dans ton âme assez profondément et ne s’y est point enfoncée solidement.