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religieux des plus saints, l’usage s’est conservé jusqu’à notre époque, si ennemie des bonnes habitudes, de laisser voir aux membres de la communauté les corps des défunts pendant qu’on les lave et qu’on les ensevelit, afin que ce triste et lamentable spectacle, mis sous les yeux des survivants, soit toujours présent à leur mémoire et détache leurs cœurs de toute espérance d’un monde passager. Voilà ce que j’appelais descendre assez profondément dans son âme. Vous ne prononcez pas le nom de la mort, peut-être par habitude, quoique rien ne soit plus certain que la mort et plus incertain que l’heure de la mort, et tous les jours dans la conversation vous citez des faits qui s’y rattachent, mais ces exemples passent inaperçus et ne restent pas.

Pétrarque. Je suis d’autant plus de votre avis que je reconnais maintenant dans vos paroles bien des choses que je me dis souvent tout bas. Toutefois, si vous le trouvez bon, imprimez dans ma mémoire quelque marque qui, m’avertissant désormais, m’empêche de me mentir à moi-même et de caresser mes erreurs ; car, à ce que je vois, ce qui écarte les esprits des hommes du sentier de la vertu, c’est que croyant avoir atteint le but, ils n’aspirent point au delà.

S. Augustin. J’aime à t’entendre parler ainsi : c’est le langage d’un esprit circonspect qui ne veut pas être inactif et dépendant du hasard. Voici donc un critérium qui ne te trompera jamais. Chaque