Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/54

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fois que tu songeras à la mort sans sourciller, sache que tu y as songé inutilement comme à toute autre chose. Mais, si en y songeant tu te raidis, tu trembles, tu pâlis et tu crois éprouver déjà les affres de la mort ; si avec cela il te vient à la pensée qu’aussitôt que l’âme se sera échappée de ces membres, elle comparaîtra pour le jugement éternel et qu’il lui faudra rendre un compte très exact des actes et des paroles de toute sa vie passée ; que tu ne devras compter ni sur le talent, ni sur l’éloquence, ni sur les richesses, ni sur la puissance, ni sur la beauté du corps, ni sur la gloire du monde ; que le juge ne peut être ni corrompu, ni trompé, ni fléchi ; que la mort elle-même n’est point la fin des maux, mais un passage ; si tu te représentes mille genres de supplices et de tortures, les cris et les gémissements de l’enfer, les fleuves de soufre, les ténèbres, les furies vengeresses, enfin toutes les horreurs réunies des sombres bords, et ce qui met le comble à tous ces maux, une perpétuité de malheurs sans fin, le désespoir d’en voir le terme, et la colère éternelle de Dieu qui n’aura plus de fin ; si tout cela s’offre à la fois devant tes yeux non comme une fiction, mais comme une réalité, non comme une possibilité, mais comme une nécessité qui arrivera inévitablement et qui est imminente ; si tu fais souvent ces réflexions non en passant et en désespérant, mais avec le ferme espoir que la main puissante de Dieu saura t’ar-