Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourras aucun prix imiter les ouvrages.

Va maintenant te vanter de ton intelligence ! Quant à tes lectures, à quoi t’ont-elles servi ? De tout ce que tu as lu, qu’est-il resté dans ton esprit pour y germer et produire des fruits à propos ? Fouille soigneusement dans ta mémoire, tu verras que tout ce que tu sais, rapproché de ce que tu ignores, est comme un petit ruisseau que tarit l’ardeur d’un soleil d’été, comparé à l’Océan. D’ailleurs, à quoi bon toutes ces connaissances si, après avoir étudié la configuration du ciel et de la terre, l’étendue de la mer, le cours des astres, les propriétés des plantes et des pierres, les secrets de la nature, vous ne vous connaissez pas vous-mêmes ? si, après avoir découvert, à la faveur de l’Écriture, le sentier droit et escarpé de la vertu, la passion vous égare dans des voies obliques ? si, après avoir appris par cœur les hauts faits des hommes célèbres de tous les temps, vous ne vous inquiétez pas de vos actions journalières ?

Que dirai-je de l’éloquence ? N’avoues-tu pas toi-même qu’elle t’a souvent déçu ? Or, qu’importe que ton discours obtienne peut-être l’approbation des auditeurs si ton jugement le condamne ? Quoique l’applaudissement de l’auditoire semble un fruit de l’éloquence non à dédaigner, si l’applaudissement intérieur de l’orateur lui fait défaut, quel plaisir peut offrir ce bruit banal ? Comment plairas-tu aux autres en parlant si tu ne plais d’abord à toi-même ? Si donc tu as été frustré quelquefois de