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soupes et les mets grossiers qui ne varient jamais. Bref, une impression de chenil, ou plus précisément de porcherie mal tenue, voilà ce que j’ai rapporté de ma petite excursion à travers ces taudis. Cela vous avait je ne sais quel air d’esclavage qui révoltait en pays tout français, tout habité par des Français. Je n’ai pas eu d’aussi profonds dégoûts dans les pays à moitié sauvages et devant des cases de travailleurs pour lesquels l’esclavage n’était encore supprimé qu’en droit. L’esclavage et les mœurs barbares s’acceptent au moins comme des nécessités de fait, transitoires, temporaires, là où l’on sent que l’homme n’est pas encore capable de civilisation, n’est pas mûr pour la liberté.


Juste le jour de la Toussaint, les marchandises furent achevées d’embarquer. Il tomba beaucoup de neige ce jour-là. La température du départ se trouva ainsi tout d’un coup semblable à celle de l’arrivée.

Le lendemain les passagers furent amenés à bord ; ils étaient une centaine : il y avait quelques artisans et quelques petits pêcheurs de l’île, mais surtout des graviers. J’aurais bien à parler de la façon dont on empile toute cette chair humaine à bord de navires non construits pour un service de passagers ; qu’il me suffise de dire que, sur une surface à peine suffisante pour coucher cette centaine d’hommes, on avait laissé entre les marchandises et le pont une hauteur d’un mètre cinquante environ. Les malles et caisses de ces passagers prirent une bonne moitié de l’espace libre. Par-dessus