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FREYSCHÜTZ

gaspard, mettant les ingrédients.

Du plomb, du vif-argent, un peu de pierre grise,
Du verre pilé pris à des vitraux d’église,
L’œil d’un coq et d’un lynx : du buis de bénitier.
Et toi ! roi ténébreux ! tu veilles ! Les cabales
À nos vœux ne font pas défaut.
Viens, viens bénir les balles ;
Que la tienne surtout soit bien comme il la faut.

(Le mélange dans la cuillère commence à bouillir en bruissant et donne une flamme blanchâtre. — Un nuage passe sur le disque de la lune. — Le théâtre n’est éclairé que par le brasier ; les yeux du hibou et le bois étincelant de l’arbre pourri.)

gaspard, coule une balle dans le moule et la retire en disant :

Une !

l’écho, répond :

Une !

(À ce moment, les oiseaux de la forêt descendent et se placent autour du cercle, en sautillant et baissant les ailes.)

gaspard, coule une seconde balle et dit :

Deux !

(Tout à coup un sanglier noir sort du bois en grognant et court comme effaré.)

l’écho, répond :

Deux ?

gaspard, saute effrayé et compte :

Trois !

l’écho, répond :

Trois !

(Une tempête s’élève et mugit. On voit les pointes des arbres se rompre et jeter des étincelles.)

gaspard, compte :

Quatre !

l’écho, répond :

Quatre !

(On entend des coups de fouet et un bruit de chevaux qui galopent. Quatre roues en feu sillonnent le théâtre, sans qu’on puisse apercevoir la forme du char, à cause de la vitesse.)

gaspard, compte :

Cinq !

l’écho, répète :

Cinq !

(Aboiements et hennissements dans les airs. — On voit passer dans les nuages des fantômes de chasseurs à pied et à cheval, des cerfs et limiers.)


CHASSE INFERNALE, CHŒUR, en dehors.

Par monts, par vaux, dans les ravines
Au fond des bois et dans les airs,
Avec les vents et les éclairs,
Parmi les morts et les ruines,
Chantons, amis, comme aux enfers,
Jowau ! Jowau ! etc.

gaspard, comptant.

Six !… Malheur !

l’écho

Six !… Malheur !

(Tout le ciel est enveloppé d’une nuit profonde. Les nuages, qui, auparavant se croisaient, se réunissent et crèvent accompagnés d’éclairs et de tonnerres épouvantables. Bruissement de pluie très-fort. Flammes bleues sortant de terre. Feux follets errants sur les montagnes. Les arbres sont déracinés avec un fracas horrible. La cascade écume et bouillonne. Des quartiers de rochers roulent en bas. On entend de tous côtés le bruit de l’orage. La terre paraît s’ébranler. Gaspard est effrayé.)

gaspard

Samiel, au secours !

(Il compte.)

Samiel, au secours ! Sept, Samiel !

l’écho, répète.

Sept, Samiel !

(Gaspard est renversé à terre.)
max, également menacé à droite et à gauche par la tempête,
sort du cercle tenant une branche d’arbre et s’écrie :

Samiel !

samiel, paraissant soudain et d’une voix terrible :

Me voici !

max

Me voici ! Ciel !  !

(Il fait le signe de la croix et tombe à terre. — L’horloge sonne une heure. Aussitôt tout devient tranquille. — Samiel a disparu. Gaspard est prosterné le front contre terre. Max se relève dans des convulsions. — Le rideau tombe.)



ACTE TROISIÈME


Chambre d’Agathe, meubles antiques, mais bien tenus. Sur un prie-Dieu, un vase contenant un bouquet de roses blanches éclairées par un rayon de soleil.



Scène Première


agathe, seule, revêtue de blanc pour la noce,
avec quelques rubans verts ; elle est à genoux,
puis se lève et s’approche.
CAVATINE

En vain au ciel s’étend un voile,
Le roi du jour y brille encor ;
Un Dieu sublime s’y dévoile.
Guidant le monde en son essor.
L’auteur puissant de la nature
Veille sur elle avec amour ;
Son regard, que ma voix conjure,
Sur moi va luire dans ce jour.

II.

En lui mon cœur tendre et fidèle
S’est confié dès son matin ;
Et si la mort bientôt m’appelle,
Je me soumets à mon destin ;
L’auteur puissant de la nature
Ouvre sur elle un œil d’amour ;
Son regard, que ma voix conjure,
Sur moi va luire dans ce jour.



Scène II

AGATHE, ANNETTE, parée aussi.
RÉCITATIF.
annette

As-tu bien reposé ? Mais que vois-je ! des larmes.