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DU NOUVEAU SUR JOUBERT.

L’amer critique fut-il radouci peu à peu par l’amabilité des plaintes échappées à celle-ci ?

À la réflexion, éprouva-t-il quelque regret d’avoir brisé de la sorte avec une si délicate et si généreuse nature ?

Deux ans plus tard, le 22 juillet 1862, au cours d’une longue causerie sur Chateaubriand, « jugé par un ami intime en 1803 » (Joubert), Sainte-Beuve rendit un public hommage à Mlle de Fontanes, sans rien de factice dans le rappel, ni rien de banal dans l’expression :

« Et n’est-ce pas ainsi de nos jours que certaines filles de poètes, morts il y a des années déjà, m’ont aidé à mieux comprendre et à mieux me représenter le poète leur père ? Par moments, je croyais revoir en elles l’enthousiasme, la chaleur d’âme, quelques-unes des qualités paternelles premières à l’état pur et intègre, et, pour ainsi dire, conservées dans de la vertu ? Par exemple la comtesse de Fontanes, chanoinesse, fille du poète[1]. »

Certes, l’hommage aux anciennes relations est on ne peut plus explicite et gracieux. Amené très naturellement par la progression des idées et fort bien lié à l’ensemble, il dut causer une agréable surprise à Mlle de Fontanes. Où le public n’aura vu qu’un argument, étayé d’un exemple, la comtesse Christine aura surpris une sorte de réparation et d’excuse, un mouvement de regret, un intime retour aux sentiments d’autrefois. D’ailleurs l’éloge du père se retrouvait dans celui de la fille, et plus direct, plus marqué, inséparable l’un de l’autre, se supposant et s’appuyant mutuellement. Il était de nature à lui plaire.

  1. Nouv. lundis, t. III. p. 21.