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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/115

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L’ŒUVRE DE VAUVENARGUES.

généreuses de l’âge précédent s’étaient ainsi complues avec Fénelon au songe aimable d’une paisible et primitive Salente : c’est aux heures les plus sombres de la république romaine, au siècle des Gracques, de Marius et de Sylla, de Catilina et de Brutus, que Vauvenargues se reportait toujours : là seulement, sa vive imagination se déployait à l’aise et se donnait carrière[1].

Il ne suffisait pas d’affranchir l’homme du joug imposé à ses passions, pour que rien ne l’arrêtât plus dans l’exercice de son activité. Une grave pensée pesait encore sur lui et l’obsédait continuellement, celle de la mort. Depuis des siècles c’était la grande pensée chrétienne. S’il était un point où les docteurs de l’Église se fussent toujours accordés, c’est que la mort est pour le chrétien la chose importante, essentielle et unique, et qu’il n’a pas trop de tous les instants de la vie pour y songer et s’y préparer. Mais jamais peut-être cette idée n’avait été mise dans une plus vive lumière qu’au temps des grands directeurs spirituels et des illustres sermonnaires du xviie siècle. Depuis Port-Royal jusqu’aux Jésuites, depuis le Traité de la connaissance de Dieu de Nicole où la pensée du trépas

  1. Voir la belle lettre à Mirabeau (13 mars 1740) : « J’aurais très bien vécu avec Catilina, au hasard d’être poignardé, d’être brûlé dans mon lit ; mais, pour Caton, il eût fallu qu’un de nous deux eût quitté Rome : jamais la même enceinte n’aurait pu nous contenir », etc.