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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/127

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ORIGINES MORALES.

un point de vue qu’il ne faut jamais perdre avec Vauvenargues), entre toutes les formes qui peuvent traduire une idée, celle-là, à ses yeux, est supérieure qui donne à cette idée toute sa force d’action. Ce qu’il prisait donc dans l’éloquence de Bossuet, c’était moins la noblesse incomparable du style, l’éclat et « la soudaine hardiesse » des images, l’ampleur et l’harmonie des périodes, que la vertu persuasive qu’il y reconnaissait. Ce qu’il admirait dans les Sermons, dans les Oraisons, dans le Discours sur l’histoire universelle, ce n’était pas « la vaine pompe des paroles », mais cet effort magnifique et continu par lequel l’illustre orateur, « né, dit-il quelque part, pour être un grand ministre sous un roi ambitieux », entraînait les esprits, leur imposait la vérité, se rendait maître de leur conduite et de leur pensée, et faisait ainsi de l’éloquence « l’instrument le plus puissant de la nature humaine ».

Vauvenargues s’est plus d’une fois exercé à imiter le tour et la manière de Bossuet quand il a voulu élever le ton. À vrai dire, il n’y a point réussi (dans l’éloge funèbre de Seytres, par exemple), et il est tombé dans l’affectation et l’emphase. C’est un défaut que personne pourtant n’a mieux senti que lui ; car il écrivait : « L’art d’imiter, quand il n’est pas parfait, dégénère toujours en déclamation ; il est très rare qu’on soit emphatique par trop de