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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/132

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VAUVENARGUES.

très individuelle, assez confuse et mystérieuse, singulier mélange de bien et de mal. À côté de la touche qui indique le défaut, le vice, la déviation morale, il a tenu à marquer le trait qui révèle les qualités hautes et cette partie meilleure que toute âme, même parmi les plus dépravées, renferme à quelque degré. Si ses types sont moins saisissants et, pour ainsi dire, d’une moindre valeur artistique que ceux de La Bruyère, ils sont plus vrais, plus rapprochés de la nature humaine et plus équitables envers elle.

Par le style, Vauvenargues relève encore du xviie siècle, j’entends du xviie siècle finissant, de ces vingt dernières années où, avec La Bruyère précisément, le pur goût classique tendait à se renouveler, sinon à s’altérer déjà comme le pensait secrètement Boileau. À défaut de l’ampleur et de l’abondance, qu’il n’avait pas eu le temps d’acquérir, il réunit toutes les qualités qui font l’écrivain, l’ordonnance, la clarté, la délicatesse, le goût, la propriété des termes, l’excellence de l’acception. Son principe est qu’une idée vraie peut toujours être exprimée d’une manière simple, et qu’une pensée est inexacte ou incomplète tant qu’elle n’est pas arrivée à une forme irréprochable. Ses conseils en matière de style sont des règles parfaites : « Lorsqu’une pensée est trop faible pour porter une expression simple, c’est la marque pour la