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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/137

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SA PART DANS L ŒUVRE DU XVIIIe siècle

Mais si Vauvenargues marche ainsi, et des premiers, dans le sens de son temps, il fait bande à part. Voltaire et ceux qui, avec lui, donneront le ton au siècle, les Diderot, les d’Alembert, les Condorcet, ne peuvent l’enrôler dans leurs rangs. La foi absolue à la raison, dont le xviiie siècle a fait son dogme et qui fut son erreur capitale, n’a point touché Vauvenargues. Il refuse de reconnaître cette suprématie de la raison humaine que ses contemporains veulent fonder ; il n’admet pas qu’en dehors de la certitude rationnelle et expérimentale il n’en soit pas d’autres.

Vauvenargues se distingue encore de son temps par l’hommage respectueux qu’il accorde au passé. Comme Bayle et quelques autres excellents esprits qui, à l’entrée du xviiie siècle, distinguaient fort bien les parties bonnes et mauvaises de l’âge précédent, il se montre novateur éclairé et circonspect. Indulgent et respectueux pour les hommes et les idées qui l’ont précédé, il ne se sépare pas violemment des uns et il ne renie pas les autres. Et surtout, jamais dans ses critiques les plus vives il ne prend ce ton d’irrévérence et de raillerie qui est celui des polémiques voltairiennes. On se prend à regretter que les esprits de cette nature ne se soient pas rencontrés plus nombreux et d’assez forte trempe pour fonder un parti et une tradition : par eux, l’œuvre du xviiie siècle siècle eût été plus réfor-