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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/142

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VAUVENARGUES.

froides notions, et les plus grandioses spectacles du monde n’avaient pu troubler son impassible raison : la moindre découverte de l’ordre moral pénétrait Vauvenargues d’une émotion grave et profonde. Enfin, toute la vie de Fontenelle a justifié le mot que lui disait un jour Mme de Tencin en lui mettant la main sur la poitrine : « Ce n’est pas un cœur que vous avez là, c’est de la cervelle, comme dans la tête » ; Vauvenargues n’a vécu et pensé que par le cœur.

Cette énergique réaction contre les tendances de Fontenelle et de son école constitue un des plus sérieux titres littéraires de Vauvenargues. Il a, de toutes ses forces, contribué au relèvement de l’esprit français, au réveil du goût, à la réparation de la langue ; il a été l’ouvrier de la première heure dans la grande œuvre que le génie de Voltaire, de Montesquieu et de Buffon a si glorieusement couronnée.

Si, en se plaçant à un point de vue moins élevé, plus rapproché des faits, on recherche maintenant quelles idées nouvelles Vauvenargues a jetées dans le courant de son siècle, on voit que, sur bien des points, et non des moins importants, il s’est révélé précurseur. Ce serait certes une grande gloire pour lui, s’il ne fallait singulièrement réduire les honneurs qu’on prodigue aujourd’hui à ce titre. Il ne suffit pas, en effet, d’être le premier à apercevoir