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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/37

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VAUVENARGUES ET LE MARQUIS DE MIRABEAU.

nisé pour la passion, et il eût été étrange qu’une âme à la fois si ardente et si tendre y échappât. Et puis, plus d’un fragment de son œuvre, en dehors de sa correspondance, lève les doutes à cet égard ; j’indiquerai le morceau qui commence ainsi : « Un jeune homme qui aime pour la première fois de sa vie n’est plus ni libertin, ni dissipé, ni ambitieux ; toutes ses passions sont suspendues, une seule remplit tout son cœur[1] », etc.

L’amour, on le sent, a passé par là ; ce n’est pas l’observation désintéressée, c’est l’expérience intime qui a inspiré ces lignes.

Certains jugements sévères sur les femmes sont plus explicites encore et semblent l’expression mélancolique d’une tendresse dédaignée : « Je hais le jeu comme la fièvre, et le commerce des femmes comme je n’ose pas dire ; celles qui pourraient me toucher ne voudraient pas seulement jeter un regard sur moi[2] » ; et ailleurs : « Les femmes ne peuvent comprendre qu’il y ait des hommes désintéressés à leur égard ; elles n’estiment en eux que l’effronterie[3] ».

Et quand ses écrits n’en porteraient pas le témoignage indirect, il y a bien lieu de croire que l’âme de Vauvenargues, cette âme faite pour les plus

  1. Essai sur quelques caractères, § 9.
  2. Lettre an marquis de Mirabeau, 22 mars 1740.
  3. Réflexions et Maximes, 720.