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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/38

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VAUVENARGUES.

nobles attachements, ne rencontra jamais à qui se donner et fut toujours incomprise. Les maîtresses ne manquèrent pas à Mirabeau, qui ne demandait à l’amour que la satisfaction de son orgueil, de ses goûts dominateurs et de sa sensualité. Ce fut, au contraire, le malheur de Vauvenargues d’être né avec une sensibilité délicate et profonde dans une époque de scepticisme et de libertinage. Non pas qu’à ces époques les créatures d’élite disparaissent tout à fait : il en existe toujours, et la tradition des belles âmes n’est jamais interrompue ; mais ces âmes-là sont alors plus rares qu’en aucun temps ; les cris et les rires du vulgaire couvrent leur voix, et comme elles n’aiment qu’une fois dans leur vie, comme elles ne font guère entendre qu’un seul appel de tendresse, c’est vraiment hasard si elles s’entendent à distance et se répondent entre elles.

Mais si la correspondance de Vauvenargues avec le marquis de Mirabeau ne nous révèle que partiellement le mystère de son cœur, elle constitue un document de premier ordre au point de vue du développement de son esprit et de la direction intellectuelle de sa vie.

C’est, en effet, l’honneur du marquis de Mirabeau d’avoir découvert la valeur morale et pressenti le talent de Vauvenargues ; et c’est son originalité d’avoir affirmé à son ami (ce qu’il n’est pas besoin de rappeler généralement aux jeunes écrivains) le