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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/52

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VAUVENARGUES.

à chaque instant, les facultés fortes de l’homme. Plus d’une des pensées, qu’il publia plus tard datent de cette époque et trahissent par leur caractère pittoresque, par quelque détail précis, par une expression plus vive et plus personnelle, le lieu et les circonstances où elles naquirent en lui, — celle-ci, par exemple, qu’il dut noter dans son esprit pendant la première et brillante période de la campagne d’Allemagne : « Quand vous êtes de garde au bord d’un fleuve, où la pluie éteint tous les feux pendant la nuit, et pénètre dans vos habits, vous dites : Heureux qui peut dormir sous une cabane écartée, loin du bruit des eaux ! Le jour vient ; les ombres s’effacent et les gardes sont relevées ; vous rentrez dans le camp ; la fatigue et le bruit vous plongent dans un doux sommeil, et vous vous levez plus serein pour prendre un repas délicieux, au contraire d’un jeune homme né pour la vertu, que la tendresse d’une mère retient dans les murailles d’une ville forte ; pendant que ses camarades dorment sous la toile et bravent les hasards, celui-ci qui ne risque rien, qui ne fait rien, à qui rien ne manque, ne jouit ni de l’abondance, ni du calme de ce séjour : au sein du repos, il est inquiet et agité ; il cherche les lieux solitaires ; les fêtes, les jeux, les spectacles, ne l’attirent point ; la pensée de ce qui se passe en Moravie occupe ses jours, et, pendant la nuit, il rêve