leurs sentiments mutuels[1]. » Et, quarante ans plus tard, le même Marmontel, se rappelant avec émotion ces belles heures de sa jeunesse, se prenait à regretter que l’auteur de Zaïre n’eût pas fait pour Vauvenargues ce que Platon et Xénophon avaient fait pour Socrate, et n’eût pas fixé, en quelques Dialogues de forme antique, le souvenir et comme le parfum de ces entretiens exquis[2].
La correspondance qu’échangeaient les deux amis ne témoigne pas seulement de la tendre affection qui les unissait ; elle révèle encore le prix que Voltaire — si impatient, par nature, de toute critique, si indocile aux conseils — attachait aux jugements littéraires de son jeune confident. Je citerai, à cet égard, une lettre de Vauvenargues, écrite en mai 1746, alors que Voltaire mettait la dernière main à sa tragédie de Sémiramis[3]. On sait que l’auteur de Mérope, jaloux des succès du vieux Crébillon, irrité de l’entendre appeler « le Sophocle du siècle », indigné de la préférence qu’on affectait de donner à Rhadamiste et Catilina sur Zaïre et Mahomet, avait résolu d’affirmer sa supériorité