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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/99

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L’ŒUVRE DE VAUVENARGUES.

Mais si son âme n’était plus croyante, son esprit resta profondément religieux. Il garda toujours le respect des croyances qu’il ne partageait plus. Il estimait les choses divines trop graves pour être traitées légèrement, trop vraies dans leur essence, sinon dans leurs formes, pour être atteintes par la critique superficielle et ironique des esprits forts ; il pensait aussi que le sentiment religieux porte en soi sa certitude et qu’il ne faut pas l’attaquer par le ridicule ; « car on blesse par là ses partisans sans les confondre ». Enfin sa nature, pleine de tact et de goût, ne pouvait souffrir le ton railleur qui régnait dans les polémiques du temps : « Le plus sage et le plus courageux de tous les hommes, M. de Turenne, a respecté la religion ; et une infinité d’hommes obscurs se placent au rang des génies et des âmes fortes, seulement à cause qu’ils la méprisent[1]. »

Quant aux solutions diverses que la philosophie a proposées au mystère de l’existence humaine, Vauvenargues ne paraît ni les connaître ni s’en soucier. Sa morale ne vise pas si haut ; elle ne

  1. Réflexions et Maximes, 875. C’est à propos de cette pensée, que Voltaire écrivit à Vauvenargues (mars 1746) : « Il y a des choses qui ont affligé ma philosophie. Ne peut-on pas adorer l’Être suprême sans se faire capucin ? » La qualification de « capucin » appliquée à Vauvenargues se retrouve sur l’exemplaire d’Aix, de la main de Voltaire, en face de cette maxime.