Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/137

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et les pouvoirs rivaux ; maintenir soigneusement leurs rivalités et empêcher leur collusion toujours dangereuse pour l’individu. S’appuyer tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre, de manière à les affaiblir et les neutraliser l’un par l’autre. Amiel reconnut les heureux effets de cette tactique. « Tous les partis, dit-il, visent également à l’absolutisme, à l’omnipotence dictatoriale. Heureusement qu’ils sont plusieurs et qu’on pourra les mettre aux prises[1] » ;

d. En vertu de ce jeu de bascule, quand un pouvoir acquiert une prépondérance par trop forte, il devient, de droit, l’ennemi. À ce point de vue, l’individualisme peut admettre parfaitement l’existence de l’État, mais d’un État faible, dont l’existence est assez précaire et menacée pour qu’il soit besoin de ménager les individus ;

e. S’accommoder en apparence de toutes les lois, de tous les usages auxquels il est impossible de se dérober. Ne pas nier ouvertement le pacte social ; biaiser avec lui quand on est le plus faible. L’individualiste, d’après M. R. de Gourmont, est celui qui « nie, c’est-à-dire détruit dans la mesure de ses forces le principe d’autorité. C’est celui qui, chaque fois qu’il le peut faire sans dommage, se dérobe sans scrupule aux lois et à toutes les obligations sociales. Il nie et détruit l’autorité en ce qui le concerne personnellement ; il se rend libre autant qu’un homme peut être libre dans nos sociétés compliquées[2] ».

  1. Amiel, Journal intime, II, p. 88.
  2. R. de Gourmont, Épilogues, II, p. 308.