Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/46

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merce d’individu à individu, commerce égoïste, soustrait à la réglementation sociale, commerce où les individus n’engagent qu’eux-mêmes, comme ils veulent, quand ils veulent, pour le temps qu’ils veulent ; autre chose est la société, qui est une cristallisation des relations sociales, cristallisation qui fixe l’individu dans une forme géométrique donnée, définitive, immuable, identique pour tous les cristaux intégrants qui sont les membres de l’association. La société s’oppose autant qu’elle le peut au libre commerce des individus. La société ressemble à une prison dans laquelle les prisonniers ne doivent pas communiquer entre eux. « Les prisonniers, dit Stirner, ne peuvent entrer en relations entre eux que comme prisonniers, c’est-à-dire autant seulement que les règlements de la prison l’autorisent ; mais qu’ils commercent d’eux-mêmes, entre eux, c’est ce que la prison ne peut permettre. Au contraire, elle doit veiller à ce que des relations égoïstes, purement personnelles, ne s’établissent. — Que nous exécutions en commun un travail, que nous fassions ensemble manœuvrer une machine, la prison s’y prête bien volontiers. Mais que j’oublie que je suis un prisonnier et que je lie commerce avec toi qui l’oublies aussi, voilà qui met la prison en danger ; il ne faut pas que cela se fasse : il ne faut pas que cela soit permis. »

L’amitié peut être regardée comme le type de ces sentiments spontanés et individuels, de ce libre commerce des « Uniques » dont parle Stirner. « Moi aussi, j’aime les hommes, dit-il, mais je les