Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/91

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Amelès qui, raconte Platon, ne se pouvait garder dans aucun vase…

Nous arrivons au second type d’immoralisme représenté par Stirner et Nietzsche. À l’encontre des penseurs qui gardent l’attitude précédente, Stirner accorde à la morale un rôle énorme dans les affaires humaines et une influence extraordinaire sur la conduite de la vie et sur le bonheur et le malheur des hommes. Sans doute afin de mieux mettre les hommes en garde contre ce qu’il appelle la hantise, il ne croit pas pouvoir assez exagérer la puissance des idéaux moraux. Il n’ironise pas sur un thème qui lui tient si fort à cœur. Il prend terriblement au sérieux la morale et les moralistes. Il s’effare devant les fantômes, les « personnalités de respect » qui peuplent le royaume de l’Esprit et défend désespérément contre eux l’indépendance, l’unicité et l’instantanéité de son moi. Les expressions combatives reviennent sur les lèvres de cet athlète aux nerfs tendus, aux traits crispés : « Le rude poing de la morale, dit-il, s’abat impitoyable sur les nobles manifestations de l’égoïsme. » Ce rude lutteur trouve des accents de pitié frémissante et indignée pour plaindre les innocentes victimes de la morale. On connaît le célèbre et pathétique passage sur la jeune fille qui fait si douloureusement à la morale le sacrifice de sa passion. — Stirner retrace, comme Corneille, la lutte de la passion et du devoir. Mais, tandis que