Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/95

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cherche à faire le vide absolu dans l’esprit, au nom de l’égoïsme.

L’immoralisme du premier genre, comme thèse psychologique et comme attitude intellectuelle, n’est pas forcément antisocial. — Sans doute cet immoralisme mène assez naturellement à l’égotisme ; mais à un égotisme spéculatif, limité à la culture du moi, un égotisme de penseur pour qui la société et lui-même sont un objet de contemplation. La morale qui exprime le vœu de la société est, dans cette hypothèse, si peu réelle, si peu gênante ; elle a si peu d’importance pour le for intérieur ! — On peut de ce point de vue accorder tout juste à la morale, ainsi que le fait M. R. de Gourmont, la valeur d’une mode à laquelle on se plie pour ne pas se faire remarquer, mais qui n’intéresse pas l’être intime et à laquelle on ne fait aucun sacrifice profond. — D’ailleurs le penseur immoraliste s’est institué un fort dédain du jugement des hommes. « Il faut, dit M. Maurice Barrès, opposer aux hommes une surface lisse, leur livrer l’apparence de soi-même, être absent. » L’immoralisme du second genre est nettement antisocial. Il attribue en effet une grande importance à la société comme à la morale. Aux yeux de Stirner, l’institution sociale, gardienne de la morale, est surtout odieuse parce qu’elle participe au caractère sacré de cette dernière. Tout l’appareil de la police sociale, toutes les « personnalités de respect », Loi, État, Patrie, représentent aux yeux de Stirner une puissance formidable, écrasante,