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faire du clan le domaine de la vie religieuse et morale et à édicter l’exogamie qui permettait à la sensualité individuelle de se donner carrière en dehors du clan, M. Durckheim ajoute : « Sans doute, l’éternelle antithèse entre la passion et le devoir eût toujours trouvé moyen de se produire, mais elle eût pris une autre forme. Ce n’est pas au sein de la vie sexuelle que la passion aurait pour ainsi dire établi son centre d’action[1]. » Cet aveu n’est-il pas la reconnaissance détournée d’un principe téléologique ? N’est-ce pas une idée ou un sentiment inconscient de finalité qui a dicté au clan le précepte de l’exogamie, comme s’il voyait en elle un moyen indispensable d’assurer sa sécurité et sa prospérité ? La raison d’être de l’exogamie, même dans l’hypothèse de M. Durckheim, aurait été au fond un impératif téléologique et vital.

La Téléologie nous semble donc difficile à exclure complètement de la sociologie, en ne donnant pas à ce mot Téléologie un sens moral, toujours nécessairement conventionnel, mais un sens vital.

Ajoutons maintenant d’ailleurs, que la dialectique prétendue objective de M. Durckheim est au fond beaucoup moins objective qu’il ne le croit et même parfois assez dangereuse. L’article de M. Durckheim que nous venons de citer avait été construit sur des données empruntées en majeure partie à Frazer (Totemism) qui admettait alors l’exogamie du clan totémique.

Aujourd’hui, M. Frazer, dans un article de la Fortnightly Rev., 1899, intitulé : The Origin of Totemism, et dans ses Observations on central-australian Totemism, revient sur sa théorie ancienne et la renverse entièrement, du moins en ce qui concerne l’exogamie du clan totémique. D’après lui, ce qui est vrai aujourd’hui, « c’est que le groupe totémique, d’après ses traditions, paraît avoir été endogame ; les rapports sexuels

  1. Durckheim, op. cit., sub finem.