Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/132

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utile »[1], et dans celui de Poletti d’après lequel « la coïncidence de ces deux progressions : de la progression malfaisante et de la progression laborieuse, n’est pas accidentelle et déplorable, mais bien inévitable, et dénote que le crime et le travail, le crime et le génie puisent aux mêmes sources leur vitalité ». M. Durckheim donne plusieurs raisons de ce rôle utile de la criminalité, en voici une entre autres : Supposez, dit-il, par impossible, une société où il ne se commette plus un seul homicide, un seul vol, ni le moindre attentat contre les mœurs ; cela ne pourra tenir qu’à un excès d’unanimité et d’intensité de la conscience publique dans la réprobation de ces actes ; et la conséquence déplorable sera que, devenue plus exigeante à raison même des satisfactions reçues par elle, cette conscience collective se mettra à incriminer avec une sévérité extravagante les plus légers actes de violence, d’indélicatesse ou d’immoralité ; on sera comme dans un cloître où faute de péchés mortels, on est condamné au cilice et au jeûne pour les plus vénielles des peccadilles. « Par exemple, les contrats indélicats ou indélicatement exécutés qui n’entraînent qu’un blâme public ou des réparations civiles deviendront des délits… Si donc cette société se trouve armée du pouvoir de juger et de punir, elle qualifiera ces actes de criminels et les traitera comme tels[2]. » Ainsi même le crime a son utilité morale. Il prévient une pression trop tyrannique exercée par l’opinion publique, par la conscience collective, sur l’individu.

Ce rôle utile de la criminalité elle-même fait penser aux pages profondes dans lesquelles Hartmann esquisse

  1. Voir dans La Culture des Idées de M. Rémy de Gourmont le développement de l’idée que la Justice absolue est identique à l’inertie et à la mort. « La vie qui aurait passé par ce point mort de la justice absolue ne pourrait plus vivre » (p. 95).
  2. Tarde, Criminalité et Santé sociale. Étude de psychologie sociale, p. 145.