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loi deviendra général par l’impossibilité de la lire avant qu’elle soit changée. Depuis l’union la représentation est diminuée de près de moitié, et les impôts sont plus que redoublés. Ceux qui la demandaient prophétisaient pour elle un résultat inverse, disant qu’elle donnerait plus de force et d’autorité à la représentation, diminuerait grandement les dépenses et par là allégerait le commerce du poids des taxes qu’il portait. Prophètes trompeurs et trompés, ont-ils à s’applaudir de leur sagacité ? Leur commerce est-il bien mieux encouragé, bien plus brillant sous la protection du tarif de dix à vingt pour cent, que sous celle du tarif de deux à dix pour cent ?

Comment se fait-il donc qu’un acte qui a fait du mal à tout le monde, à ceux qui l’ont demandé, à ceux qui l’ont repoussé ; contre lequel le blâme et le mécontentement sont universels dans le Bas-Canada, ne trouve pas dans l’enceinte législative une voix, une seule voix qui fasse écho aux plaintes presqu’incessantes qui sont entendues au dehors. C’est que quelques hommes sous tous autres rapports d’un grand mérite, les libéraux du Haut-Canada avec qui ceux du Bas-Canada doivent agir de concert, réduits au désespoir par les injustices de la faction tory, du family compact, se sont trompés, ont demandé l’intervention du parlement anglais en faveur de cette fatale Union : imaginant qu’ils l’obtiendraient à des conditions équitables, et que réunis aux patriotes du Bas-Canada, ils assureraient à la province unie un gouvernement juste et libéral tel que les provinces séparées ne l’avaient jamais connu.

Sous l’angoisse de leurs souffrances, ils oubliaient ce principe de stricte morale, de ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas que l’on fît contre nous. Contrairement à nos vœux qu’ils n’ignoraient pas, ils demandèrent à une puissance dont l’intervention n’avait jamais eu lieu que pour diminuer les libertés coloniales, qu’elle voulût bien aggrandir les leurs. Ils ont été trompés dans leur attente. L’on s’est appuyé de leur demande pour intervenir, mais l’on n’a pris conseil que des préventions aristocratiques anglaises pour régler l’étroite mesure de liberté restreinte qu’on leur accorderait. Ces vieilles sociétés européennes hérissées de monopoles politiques en faveur d’un petit nombre de privilégiés, entourés par une immense majorité de prolétaires, ont des préjugés à coup sûr, des besoins peut être de gouvernements absolus ou aristocratiques fortement constitués. Dans la jeune Amérique, où les populations entières peuvent être propriétaires, où les substitutions n’ont pas établi de fortunes héréditaires, où chacun commence la sienne et avec un travail modéré peut s’assurer une médiocre aisance, l’on a des instincts et des besoins d’institutions démocratiques. De là l’enseignement, que l’on doit toujours craindre et ne jamais demander l’intervention