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Comment cette confiance dont vous m’honorez s’est-elle formée chez vous ? Ce ne peut être que par l’observation de ce qu’ont été trente années de ma vie publique : une lutte presque incessante, énergique mais consciencieuse, contre un gouvernement mauvais ; mais bien moins coupable alors, qu’il ne l’est devenu depuis.

Ce gouvernement mauvais, n’est pas à mon avis celui des Murray, Haldimand, Craig, Dalhousie, Colborne, Thomson et autres, sous lesquels nos pères et nous avons successivement souffert ; c’est celui de l’Angleterre qui a choisi, approuvé, récompensé ces hommes à la suite des actes d’arbitraire et de violence qu’ils ont exercés contre la colonie, d’où il est naturel de conclure qu’ils ont été dociles à se conformer à leurs instructions : c’est celui de l’Angleterre qui censura les Prévost, Sherbrooke, Kempt et Bagot, qui crurent pouvoir un peu fléchir la rigueur de leurs instructions au désir d’être modérément justes pour nous.

Qu’il fut mauvais n’est plus une question controversible. Le problème d’abord résolu par les plaintes des populations, l’a été dans le même sens par les dénonciations pleines d’amertume autant que de vérité qu’ont fulminées contre le système dont nous nous plaignions, les représentants de la royauté. Le rapport de lord Durham, les correspondances de lord Sydenham, dans ces parties où ils examinent la conduite et les prétentions opposées de l’exécutif et de la représentation dans les deux Canadas, comportent une réprobation contre toutes les administrations subséquentes à l’introduction du système représentatif, aussi formelle qu’en aient jamais exprimé les patriotes les plus ardents. C’est lord Sydenham qui dit : « Quand je regarde à ce qu’ont été le gouvernement et l’administration de la province, mon seul étonnement est qu’ils aient été endurés si longtemps. Quant à moi, je sais que quelque forte que soit mon antipathie pour les institutions Yankees, je n’aurais jamais combattu contre elles, ce qu’ont fait des milliers de pauvres diables que les familles en pouvoir (le family compact) ne laissent pas que d’appeler rebelles, si ce n’avait été qu’en vue de conserver un gouvernement tel qu’ils l’avaient. » L’écrivain ennobli, partial à l’ordre aristocratique qui l’a comblé de biens et d’honneurs, hostile et préjugé contre les sages institutions des États-Unis, les plus parfaites dont ait jusqu’à présent été dotée l’humanité, dit donc avec plus d’autorité qu’aucun colon ne l’avait jamais fait, que le gouvernement attaqué ne méritait pas d’être défendu. Y a-t-il une grande différence entre le gouvernement qui, attaqué ne mérite pas qu’on prenne les armes pour le défendre, et celui qui mérite qu’on les prenne pour le renverser ? L’écrivain en question n’a pas cherché à établir une telle distinction ; l’eût-il essayé, elle serait sans doute si exiguë et si subtile qu’elle échapperait à l’observation de beaucoup de bons esprits.

Nous avons vécu sous un régime déplorable, c’est surabondamment admis et prouvé. C’est