Page:Paquin - Le paria, 1933.djvu/119

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lâches. Vipère qu’ils avaient réchauffée dans leur sein. Il fallait, pour eux, qu’il fût coupable et ils le crurent.

— J’vous dis, moé, qu’y a dû l’empoisonner.

Celui qui parlait ainsi était un homme suffisamment âgé pour jouir de la considération des siens. Il pérorait en attendant l’arrivée du train, au milieu de jeunes gens qui, avidement, écoutaient ses paroles.

— Qu’est-ce qui vous fait dire ça, père Chaput ?

— Ça crève les yeux, mon garçon. D’abord le Bernier, c’est pas une croix de St-André. Un gars renfermé, avec des yeux qui font peur, qui parlait pas à personne. Moé, j’m’en suis toujours douté. Quand t’as un animal vicieux, ses petits sont vicieux. Tu peux pas sortir de là ; y ont ça dans le sang, lui, y avait ça dans le sang, le mal. Son père, vous le savez, c’était un bon à rien : un homme qui en a tué un autre pour voler. La fourrure se vend cher, c’t’hiver ! Y avait du poison à renard ; il a pensé que personne le saurait. En tous cas, si c’est pas comme j’te dis, ça paraît louche.

— C’est vrai que ça a ben du bon sens, c’que vous dites.

— Demandez à mame Jodoin c’qu’elle en pense.