Page:Paquin - Le paria, 1933.djvu/54

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noncées, des paroles qui entraient dans la chair, qui blessaient, incurablement.

Le prétexte, les époux l’avaient trouvé de se débarrasser enfin de toute la rancœur accumulée, de lui cracher à la figure la vérité terrible de ses origines, de se soulager d’une haine trop contenue.

Parmi les enfants qui fréquentaient l’école, il y en avait un, un nouveau, un innocent, et sur qui les autres élèves assouvissaient l’instinct natif de cruauté que tout être humain porte en soi.

C’était le souffre-douleur, le pâtira de l’école.

Il n’est pas de tours qu’on ne lui jouait.

Quelques fois, lassé de tant de vexations, il en pleurait d’humiliation et de rage impuissante. Autour de lui, les rires, les huées, les moqueries pleuvaient, quand ce n’était pas les horions.

— R’gardez-moé don ce grand veau qui braille.

Il se sauvait alors, et les huées, jusque sur la route, le poursuivaient dans sa fuite.

Un après-midi, vers la fin de la classe, pendant qu’il était debout à réciter sa leçon, un voisin avait déposé sur le siège une épingle tordue, la pointe en l’air.