Page:Paris, Paulin - Mémoire sur le cœur de saint Louis.djvu/29

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Lello croit à la probabilité d’un échange entre le corps de saint Louis et l’une des pointes de la couronne d’épines. Mais, dans la présomption d’un pareil fait, dont on ne cite pas les garants, dont on ne précise pas la date, dont on ne rappelle pas les circonstances, il est assez facile de reconnaître un désir pieux de justifier l’authenticité de l’épine possédée. On savait, en effet, que la sainte couronne tout entière appartenait à la maison de France ; et l’hypothèse proposée semblait admirablement expliquer comment une parcelle pouvait en avoir été détachée. L’existence de la grande tombe conduisait d’ailleurs à des inductions assez plausibles ; car l’historien sicilien du seizième siècle ignorait les circonstances de l’embaumement de Tunis et comment, dans la prévision de la longue traversée, on s’était vu forcé de séparer les os et de réunir dans le même monument les chairs et les entrailles. L’inscription placée sur la grande tombe ne parlait d’ailleurs que des entrailles, et l’on ne devinait pas qu’en y déposant en même temps les précieuses chairs, on avait dû chercher à les disposer comme elles étaient avant que les os fussent séparés.

Voilà donc l’origine naturelle de la supposition de Lello. Mais il est certain que l’échange dont il s’agit n’eut pas lieu. Les chairs de saint Louis ne revinrent jamais en France, ni au quatorzième siècle ni plus tard, et l’historien de Montréal n’a montré, dans l’exposition de cette hypothèse, ni savoir ni critique. À l’entendre, c’est un roi Philippe qui dut procurer la translation, et le corps de saint Louis nous aurait été rendu longtemps avant la canonisation. Puis, ajoute-t-il quelques lignes plus bas, l’échange doit remonter à la fin du quatorzième siècle. Qu’on ne cite donc plus cet historien pour justifier la translation du cœur de saint Louis en 1378 ; car il ne dit pas un mot du cœur, et il en parlerait que son extrême ignorance de la chronologie n’ajouterait aucune autorité à l’un ou l’autre des systèmes en présence.

Le second garant de cet échange imaginaire est l’auteur de la Sicilia sacra. Mais il ne fait que répéter l’allégation de Lello ; seulement au corps de saint Louis il substitue les os, ce qui ne prouve pas une ignorance moins grande des choses de la France. Voici le motif de ce changement : l’écrivain sicilien savait que Montréal pouvait encore prétendre à la possession