Page:Paris, Paulin - Mémoire sur le cœur de saint Louis.djvu/32

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tombeau du saint roi : il distribua plusieurs parties des ossements à ses courtisans ; il ne vit pas, il ne réclama pas le cœur ; tant il est vrai qu’à Saint-Denis on n’avait jamais eu la prétention de le conserver !

J’ai dit que la place du cœur de Philippe-le-Hardi, dans l’église des Jacobins de Paris, n’avait pas été bien marquée et n’avait jamais été reconnue[1]. J’ai dit que le cœur de la reine Blanche avait été donné aux religieuses du Lys, qu’elle avait instituées ; celui de Thibaud de Champagne aux Dominicains de Provins, qu’il avait fondés ; celui de sa veuve, fille de saint Louis, aux moines de Clairvaux, dont elle avait refait l’église ; celui d’Isabelle de France, sœur de saint Louis, à l’abbaye de Longchamps, qu’elle avait fait bâtir. Maintenant, dans quelle église sommes-nous comme involontairement portés à croire que doive reposer le cœur de saint Louis. Est-ce à Montréal en Sicile, ou bien à la Sainte-Chapelle de Paris ? Supposons que le prince ait, durant sa vie, indiqué la place immuable de ce cœur, ne devinerons-nous pas tous à l’envi qu’il aura désigné la Sainte-Chapelle ? Et même, à défaut de testament, d’expression intime de sa volonté, a-t-on pu négliger de le déposer dans un monument fondé par lui, pour y placer les reliques à ses yeux les plus adorables du monde, c’est-à-dire la couronne d’épines du Sauveur, le fer de lance qui l’avait percé, la croix sur laquelle il avait expiré et les clous qui l’y avaient attaché ? On savait, en effet, que telle avait été la prédilection de Louis IX pour la Sainte-Chapelle, qu’il éprouvait toujours une sorte de malaise quand il entendait dans une autre église le service divin. Souvent il passait des heures entières étendu sur les dalles qui touchaient à l’autel, et toute la France était si bien dans la confidence de son amour passionné pour l’admirable édifice, qu’un poète, dans une courte pièce de vers composée à la nouvelle de sa mort, ne pouvait s’empêcher de s’écrier :

Chapelle de Paris bien ères maintenue :
La mort, ce m’est avis, t’a fait desconvenue,
Du miex de tes amis t’a lessié toute nue.

(Msc. 7218, f° 341, v°.)

Ainsi, nous le voyons, au moment du retour de Philippe-le-

  1. Mercure de 1718, août.